Qui es-tu… quand tu ne travailles pas?
PRODUCTIVITÉ
Christian Généreux


Dis-moi… c’est quand la dernière fois que t’as eu une vraie soirée off… sans l’envie soudaine de “juste répondre à un petit courriel”? Ou de “finir un p’tit document pendant que t’écoutes Netflix…”? C’est fou, hein? On finit par tellement s’identifier à notre travail, nos projets, notre rôle… qu’on oublie qu’on existe en dehors de tout ça. Un peu comme si t’étais devenu un personnage dans un film… et que t’as oublié que t’étais aussi le réalisateur.
Aujourd’hui, j’ai envie qu’on jase d’un sujet aussi délicat qu’essentiel : l’identité collée à la performance. Pourquoi on a tant de misère à décrocher, à dire non, à prendre du recul… Et surtout, pourquoi ça nous brasse autant, juste d’y penser. Alors si t’as l’impression que t’es devenu ton propre agenda Google… reste avec moi. On va se rappeler ensemble que ta valeur ne dépend pas de ta to-do.
Luc, c’est un gars structuré, allumé, ultra efficace. Du genre à toujours avoir un plan B… et un plan C en back-up. C’est pas compliqué : dans sa tête, c’est Excel en mode turbo. Il gère des projets à la chaîne, répond à ses courriels plus vite que son ombre, et dans son entourage, tout le monde se demande comment il fait pour tout tenir ensemble. C’est un pilier, une machine à solutionner. Mais un jour, la machine s’est arrêtée. Pas à cause d’un burn-out. Pas à cause d’un drame. Juste… parce qu’un projet a été annulé. Un gros client s’est désisté. Et soudain, l’agenda de Luc s’est vidé. Plus de réunions. Plus de rush. Juste… du temps.
Et là, panique. Il se lève, fait un café, ouvre son ordi. Le referme. Il promène ses yeux dans le salon comme s’il cherchait un problème à régler. Il tente de s’inventer une urgence. De déterrer un vieux dossier. De faire quelque chose qui donne l’impression qu’il est encore utile. Mais rien ne presse. Rien ne brûle. Et c’est là que le vrai vertige s’installe. Pas un vertige spectaculaire. Pas une crise de larmes. Un vertige sourd, intérieur. Celui qui t’arrive quand tu réalises que t’as construit toute ton identité… autour de ce que tu fais.
Parce que Luc, comme beaucoup d’entre nous, s’est défini pendant des années par sa productivité. Par sa capacité à livrer, à performer, à enchaîner les projets. Et quand y’a plus rien à faire… ben, il sait plus trop qui il est. Son identité est collée à sa performance. À son utilité. Et le silence? Ça le confronte. Pas parce que c’est ennuyant. Mais parce qu’il s’y reconnaît plus.
Et si ton agenda plein… c’était un camouflage bien pratique pour éviter une question inconfortable? Une question simple, mais brutale : qui es-tu… quand tu ne travailles pas? Pas ton rôle. Pas ton titre LinkedIn. Pas “coach”, “DG”, “entrepreneur”, “freelance”, “gestionnaire de projets à haute valeur stratégique” ou autre formule qui claque. Non. Toi. Nu. Sans livrable. Sans statut. Sans Zoom. Sans costume de “personne importante”.
Parce qu’on va se le dire : être occupé, ça rassure. Avoir un horaire serré, ça donne le sentiment qu’on compte. Et entendre : « Je sais pas comment tu fais pour tout gérer! », ça flatte. Mais derrière tout ça, se cache souvent un vide. Un vide identitaire. Un flou. Un malaise qui monte dès que le rythme ralentit. Et plus tu performes, plus tu l’évites. Parce que ralentir, c’est comme enlever un plâtre. Ça expose les parties sensibles. Ça fait ressortir ce qu’on essaie de camoufler depuis des années.
Fais l’expérience. Sérieusement. Essaie de ne RIEN planifier pendant une journée. Pas de tâche. Pas de projet. Pas de téléphone. Pas de Netflix, pas de meal prep, pas de contenu de croissance personnelle. Juste toi… et ton temps. Observe ce qui se passe. Est-ce que tu tiens en place? Ou est-ce qu’une tension monte? Une envie de “rentabiliser” le moment. Une petite voix qui chuchote (ou crie fort) : « Tu perds ton temps. Tu devrais avancer quelque chose. Tu ne sers à rien si tu ne produis pas. » Ben voilà. Ce que tu ressens là? C’est ton identité collée à la performance qui te fait coucou.
Alors comment on fait pour se reconnecter à soi, sans performance? Pour exister… même quand on ne fait rien d’impressionnant?
Commence par débrancher. Pour vrai. Pas juste pour “mieux te concentrer après”. Coupe toutes les notifications. Marche sans téléphone. Résiste à l’envie de documenter ta pause café. Laisse-toi ennuyer. Au début, ton cerveau va paniquer. Mais à travers ce vide, tu vas retrouver ta capacité à penser… sans produire. À être… sans témoins.
Reconnecte-toi à ce qui te fait vibrer… sans utilité. Lis un roman. Cuis une recette compliquée juste pour le plaisir. Dessine. Écoute de la musique. Fais un casse-tête. Et surtout, résiste à l’envie de transformer ça en contenu ou en apprentissage. C’est juste pour toi. Ta vraie identité, elle émerge souvent quand il n’y a plus personne pour regarder.
Et enfin, nourris ton identité… sans agenda. Passe du temps avec ceux qui t’aiment même quand tu ne livres rien. Prends un bain sans balado. Écoute de la musique sans chercher une leçon. Écris sans objectif. Ces moments inutiles, gratuits, ralentis… sont des antidotes puissants à l’effritement de soi.
Et si t’as encore de la difficulté à décrocher, peut-être que la vraie raison, c’est que tu t’identifies à ton rôle. Pas juste “je suis en affaires”. Non : “je suis un entrepreneur”. Un bon. Un fiable. Un qui livre, qui flanche jamais. Et sans t’en rendre compte, t’es plus en train de gérer une entreprise : t’es en train de jouer un rôle. Un rôle dans lequel t’as mis toute ta valeur.
Alors quand vient le temps de déléguer, de ralentir, de dire non… c’est pas juste une décision stratégique. C’est une crise identitaire. Et c’est pour ça que tu bloques. Parce que si tu lâches prise, t’as peur de perdre une partie de qui tu es. Mais tu n’es pas ton rôle. Tu es une personne. Une personne qui joue un rôle. Et qui peut en jouer d’autres. Tu peux être un entrepreneur… et un rêveur. Un DG… et un marcheur du dimanche.
Tu ne perds rien à sortir de ton rôle de temps en temps. Tu gagnes en humanité. En perspective. Et en liberté.
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